Eglise et lanterne / 86 / Antigny

Sous ses airs bon enfant, ne vous y trompez pas. Le petit hameau d’Antigny renferme un petit bijou, un patrimoine insoupçonné au détour d’une balade le long de la Gartempe, entre Saint-Savin sur Gartempe et la cité médiévale de Montmorillon.

L’église d’Antigny, sous ses airs bonhommes, sans prétention extérieure, conserve des peintures datant du XIVe et du XVe siècles. L’édifice religieux est entièrement recouvert de cette décoration incroyable relatant des épisodes religieux, de la vie du Christ bien entendu, mais également la vie de certains saints guerriers qui sont très souvent représentés durant la fin du Moyen-Age. (rappelant ainsi le contexte de la guerre de cent-ans).

Si je vous dis qu’avant 1980 nous méconnaissions l’existence de ces peintures et, que c’est grâce à un phénomène accidentel que nous les avons retrouvées. Vous allez rire. Imaginez que l’église est enclavée entre trois routes. Dans les années 1980, un camion venant d’un axe en face du portail de l’église a raté son virage à gauche, et s’est encastré dans le mur Nord-Ouest de l’église. De là, un morceau d’enduit est tombé à l’intérieur de l’église, dévoilant ainsi des traces de pigmentation. Ainsi, des campagnes de restaurations ont remis à jour ces peintures murales quasi intacte, et datant de plus de 500 ans.

A l’intérieur de l’église, sur le mur nord, nous pouvons voir successivement un épisode de la vie de Saint-Martin – le plus célèbre, lorsqu’il coupe son manteau d’armée romaine en deux, pour en donner un morceau à un nécessiteux -, de la vie de Saint-Georges combattant le dragon, et de la vie de Saint-Christophe supportant un enfant sur ses épaules qui se révéla être le Christ. Quant aux autres murs, ils racontent différents épisodes de la vie du Christ, dont le dernier repas avec ses apôtres, un jugement dernier, ….

Un trésor en cache un autre. Au fond de l’église, au Sud, attenante à l’église, une chapelle recouverte de peintures du XVe siècle attend le visiteur. Une splendeur de couleurs flamboyantes, de l’ocre brun à l’ocre jaune en passant par le rouge. Ici tout est à la gloire du Christ : une crucifixion, un lavement des pieds, la cène, un jugement dernier. Une autre peinture attire l’attention, celle du dict des « trois vifs et des trois morts ». Cette légende largement répandue dans le grand Ouest aux alentours du XIVe siècle et du XVe siècle était emprunt d’une solennité. Ainsi elle raconte que trois jeunes nobles chassaient. Montés sur des chevaux, accompagnés de chiens, ils parcouraient la campagne pour effectuer des battues. Mais c’est alors qu’ils se seraient perdus. Ils se seraient retrouvés dans un cimetière, où autour d’une grande croix, trois squelettes les auraient accueillis. Ces derniers avertissent les vivants de leur cupidité et envie. Ainsi ils devraient sauver leur âme au lieu de s’attacher à des divertissements futiles de la vie. Et les trois morts, ou squelettes, prononcèrent cette fameuse phrase « ce que vous êtes nous l’étions, ce que nous sommes, vous le serez ! ». A bon entendeur salut !

A la sortie de l’église, au milieu de la place du village, une curieuse structure en pierre trône. Symbolisant auparavant le centre du cimetière ancien (à l’époque médiévale), cette construction s’appelle une lanterne des morts. Ainsi, elle se compose d’un fut creux dans lequel un jeune garçon se hissait pour aller allumer une bougie au sommet de la lanterne. La lumière se diffusait alors par les quatre ouvertures, rappelant ainsi les quatre points cardinaux : le Nord, l’Est, le Sud et l’Ouest. Cette lanterne des morts était donc l’apologie de la lumière eschatologique. En effet, par cette lueur, elle indiquait la nuit le centre du cimetière, lieu dangereux pour les vivants qui ne s’y aventuraient pas la nuit. Mais on prête d’autres utilisations à cette lanterne des morts. Ainsi, elle serait allumée lorsqu’il y a un mort dans le village. Durée toute la veillé funèbre, la bougie s’éclaire. Encore une autre légende cette présence de la lanterne des morts : elle serait allumée pour guider les morts pour qu’ils retournent dans leurs tombes après avoir embêter les vivants dans leur sommeil – comme une sorte de phare qui guide les navires à bon port. Dans tous les cas, il ne reste plus beaucoup de lanternes des morts en France. Elles sont principalement conservées dans le grand Ouest : du Limousin en Aquitaine, en passant par les Pays de la Loire et du Poitou-Charentes. (a voir la lanterne des morts de l’île de Ré, une vraie splendeur).

Un bourg présent depuis l’époque gallo-romaine, évoluant au fur et à mesure des siècles, placé stratégiquement sur les bords de la Gartempe. Une histoire et un art absolument sensationnel dont on ne soupçonnerait même pas l’existence.

Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. Laura dit :

    Bravo pour ton site ! C’est très bien écrit.. Un bel hommage à ce patrimoine 😉

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