La Manu, un site industriel reconvertit en site culturel
Née en 1819, la Manufacture d’armes a su laisser une forte empreinte dans le paysage du châtelleraudais. De sa création à sa fermeture en 1968, ce site d’environ 190 000 m², a accueilli jusqu’à 7 000 ouvriers. Réel berceau industriel du Nord de la Vienne, la Manu a réussi sa reconversion en un lieu multiculturel et de loisirs.
150 ans d’activité. En 1819, le site de Châtellerault est choisi par le Ministère de la Guerre pour créer une manufacture d’armes blanches. Pour renforcer le savoir-faire en coutellerie des ouvriers de la ville, des armuriers sont détachés d’une manufacture en Alsace, à Klingenthal, pour apporter leurs compétences. Au XIXe siècle, le compagnonnage et l’entreprenariat battent leur plein, et les riches banquiers et argentiers règnent sur la manufacture. C’est réellement l’ère de l’apprentissage, où le savoir passe du maître à l’élève. D’ailleurs une école d’apprentissage a été créée en 1888. La formation technique et manuelle dispensée s’adresse en priorité aux fils des « manuchards », âgés alors de 13-14 ans. Les élèves sortent avec un diplôme et une qualification reconnue sur tout le territoire français.
Quelle production ? Sous les sheds, grâce à la modernisation, les ouvriers sont amenés à créer des armes à feu de type fusils et pistolets qui font la renommée de la Manu. L’arme emblématique reste le fusil Lebel. D’ailleurs une commande de plus de 500 000 fusils Lebel a été passée par la Russie en 1891. La deuxième arme à feu typique des productions de la ville reste le pistolet Mac-50. Ce pistolet automatique fût le dernier modèle fabriqué à Châtellerault, entre 1953 et 1963. Il a fait parti de l’équipement de l’armée française et de la gendarmerie jusqu’au début du XXIe siècle. A cela s’ajoute la production d’armes blanches entre 1819 et 1937. Le sabre de cavalerie fut très prisé entre 1829 et 1861 où 78 000 sabres sont produits. En période de paix, la Manu compense la baisse de commande d’armes par la fabrication d’objets du quotidien : lits, métiers à filer, pièces automobiles.
Reconversion XXIe siècle. Après une trentaine d’années de travaux, un musée Auto-Moto-Vélo voit le jour en 1991. Les collections illustrent l’histoire de l’automobile depuis ses débuts jusqu’aux modèles phares de ces dernières années. De la motocyclette aux automobiles rares, en passant par le scooter et le cyclomoteur, ici se côtoient la Ford T et la 2CV. Au musée, en ce moment et jusqu’au 31 décembre 2013, l’exposition temporaire « Le maître, le compagnon et l’élève » propose une plongée dans les productions d’armes de Châtellerault. Dans les autres bâtiments, nous retrouvons une patinoire,une école du cirque, un conservatoire de danse et de musique, ainsi que le centre des archives de l’Armement et du Personnel civil. Des aménagements ont été créés pour rendre accessible ces bâtiments : une promenade le long de la Vienne, des jardins et des espaces verts ont été imaginés. Même les emblématiques cheminées, qui dominent la Manu, ont été habillées par l’œuvre de l’artiste Jean-Luc Vilmouth « comme deux tours », sorte de passerelle métallique proposant une vue imprenable sur le site et la ville.
La Manu représente un véritable témoin de l’industrie du pays châtelleraudais, où l’on retrouve l’histoire des ouvriers, d’un territoire, d’un savoir-faire. Ici, le devoir de mémoire plane sur le site de 190 000 m², où passé et présent se heurtent pour une reconversion intéressante.
Encart : Exposition temporaire jusqu’au 31 décembre 2013 : « Le maître, le compagnon et l’élève ». Des armes et les secrets de fabrication de la Manu exposés.
Merci à la communauté d’agglomération du pays Châtelleraudais pour certaines photographies et pour l’entretien dont j’ai pu bénéficier pour rédiger ces quelques lignes.
Johnatan Savarit