Erigée au XIXe siècle par l’architecte Antoine-Gaëtan Guérinot, l’hôtel de ville de Poitiers trône sur la fameuse place d’Armes (maintenant appelée place du maréchal Foch). Point final d’un chantier démarré quelques années plus tôt, l’hôtel de ville fait face à la préfecture datant de 1869. L’axe reliant les deux édifices (actuel rue Victor Hugo) a longtemps était comparé à des Champs Elysées modèle réduit et provincial. Ici, le quartier entier respire l’architecture du XIX-XXe siècle.
Architecture extérieure. Beaucoup d’articles traitent déjà de l’architecture extérieure du bâtiment. La mairie, construite entre 1869 et 1875, possède une façade néo-renaissance dans la veine du style Napoléon III. Dès lors, l’édifice abrite les services municipaux ainsi qu’un musée des Beaux-arts au rez-de-chaussée jusqu’en 1974. Passons sur les décorations de la façade tels que les larges fenêtres, les ornementations comme les rinceaux et les guirlandes, ainsi que les piliers à anneaux, et les médaillons vides (qui devaient en réalité accueillir les portraits des poitevins illustres, mais faute d’argent ces médaillons restent désespérément vides). Ce qui a attisé ma curiosité c’est l’intérieur de l’hôtel de ville et sa décoration. Depuis l’escalier d’honneur à la loggia à l’italienne, en passant par le salon d’honneur, la salle des mariages et l’ancienne salle du conseil, vitraux, peintures, boiseries et bronze sont omniprésents. La découverte subjugue et laisse sans voix.
Sur les traces de l’Opéra Garnier. Dans le même style que l’Opéra Garnier de Paris, l’intérieur de l’hôtel de ville est organisé autour de l’escalier d’honneur desservant les différents niveaux de la bâtisse. Au pied de l’escalier, nous apercevons deux rampes de marches à droite et à gauche. Au centre, sur le petit palier où partent chacune des deux rampes, un miroir nous fait face. Ici, nous pouvons voir l’étage, la loggia italienne qui se trouve en réalité juste au-dessus de notre tête. Par la même occasion, les personnes se trouvant dans la loggia italienne voit également les visiteurs et le bas de l’escalier d’honneur par le biais de ce miroir. Un jeu d’agrandissement et de trompe-l’œil. Torchères, sculptures et bustes des anciens maires de la ville de Poitiers scandent le décor. Deux allégories, placées au début de chaque rambarde d’escalier, à droite et à gauche, nous font face. Ici, ces deux allégories sont des cariatides reflétant la Science et les Beaux-arts (clin d’œil à la fonction des pièces du rez-de-chaussée, qui était rappelons-le, le musée des Beaux-arts de la ville). Ces deux cariatides ont été réalisées par Ernest-Louis Barrias.
En grimpant les marches de l’escalier, de part et d’autre, nous trouvons deux peintures réalisées par Pierre Puvis de Chavannes, peintre officiel de la IIIe République. Ici, nous pouvons voir pour la peinture de la rampe de gauche, Charles Martel arrêtant les arabes à Poitiers en 732 ; et pour la peinture de la rampe de droite, saint Fortunat, biographe et poète, lisant des vers à sainte-Radegonde devant l’abbaye Sainte-Croix qu’elle fonda à Poitiers. Ses deux réalisations datent de 1874. Au sommet de l’escalier, la loggia à l’italienne avec son plafond peint. D’ici, nous sommes plus proches des portraits des échevins, des maires de Poitiers et des grands personnages de la région, incrustés dans le plafond de la cage d’escalier. D’ici, Théophraste Renaudot, Arsène Orillard et bien d’autres nous contemplent. Dans le salon d’honneur, nous sommes immédiatement attiré par le grand vitrail d’Aliénor d’Aquitaine qui trône au centre du mur. De l’autre côté, tout simplement l’extérieur, le balcon donnant directement sur la place d’armes.
Ce vitrail visible depuis l’extérieur comme de l’intérieur représente Aliénor d’Aquitaine donnant la lettre patente et la charte des Communes aux échevins de Poitiers situés à droite sur le vitrail. Aliénor donne donc les pleins pouvoirs financiers, fiscaux et politiques de la ville à des échevins, le pouvoir passant du roi à des maires car Richard Cœur de Lion est mort ainsi que son père Henri II Plantagenêt. A remarquer sur ce vitrail : deux lévriers, figures animales de la fidélité sont couchés aux pieds d’Aliénor. Depuis cette salle, nous pouvons accéder à la salle des mariages sur notre gauche et la salle du conseil dite salle « du blason » maintenant à droite.
A gauche, la salle des mariages. Le plafond peint du triomphe de l’Hyménée, inscrit dans un médaillon couleur bronze, est réalisé par Léon Perrault, un poitevin. Hyménée : fils de Bacchus et de Vénus, ce beau jeune homme préside toujours au mariage dans la mythologie grecque et romaine. Selon la légende, il délivre des jeunes filles enlevées par des corsaires et des pirates et les rend à leurs parents à condition de lui accorder la main de la jeune fille qu’il aime. Sur le manteau de la cheminée, une peinture imitant des personnages de la Rome Antique date de 1884. Ici les représentations iconographiques présentent des couples et des individus en lien direct avec l’amitié et l’amour. Revenons sur nos pas, traversons de nouveau le salon d’honneur, pour arriver à la salle du blason.
A droite, la salle du blason. Dans cette salle, sur le manteau de la cheminée le blason de la ville avec le lion rouge rugissant, planté sur ses pattes antérieures. Le plafond peint, réalisé par Emile Bin, présente une allégorie de la ville sous les traits d’une jeune femme récompensant le travail. Végétation et amphore accompagnent la scène. Sur les murs, une série de deux peintures d’Alfred de Curzon présentent, sur des cartons préparatoires peints, des histoires d’amour de la mythologie, autour des personnages d’Artémis et d’Endymion, ainsi que d’Eos et Céphale. La décoration se termine par les vitraux des salles (d’honneur, mariages et blason), où l’on retrouve les blasons et armoiries des seigneurs rattachés au comté du Poitou.
Dans un écrin néo-renaissance, la décoration intérieur riche évoque l’antiquité et la gloire de la ville et de la région depuis le XVe siècle jusqu’au XIXe siècle. Peintures, médaillons, sculptures, vitraux et boiseries, l’ensemble iconographique et décoratif permet de mieux appréhender l’art du XIXe siècle et l’histoire de la ville de Poitiers.
Johnatan Savarit
+ d’infos : http://www.ot-poitiers.fr/