A contempler : tapisserie de 103 mètres de longueur pour 4.5 mètres de hauteur. A prévoir un salon de 1200 m² pour couvrir tous les murs. A budgéter : qui dit trésor national et chef d’oeuvre du génie créateur humain dit main au portefeuille, voir au compte en banque caché aux Îles Cayman ou en Suisse. A féliciter : les lissières qui ont tissé sur des métiers de lice ce décor de théâtre géant. Bref, j’ai vu un trésor de l’art médiéval, exposé dans une galerie du château d’Angers.
L’Apocalypse. S’appuyant sur les écrits de l’Apocalypse selon Saint-Jean – derniers écrits du Nouveau Testament – cette tapisserie présente 70 tableaux des épisodes bibliques. Véritable trésor de l’iconographie religieuse et médiévale, la tapisserie reflète alors aussi bien le religieux, que le contexte politico-social de l’époque où elle a été réalisée. En effet, elle a été exécutée au XIVe siècle par Nicolas Bataille à Paris sur commande du duc d’Anjou, Louis Ier. De cette époque tortueuse, en pleine fin de la Guerre de Cent Ans, les préoccupations étaient tournées vers le bien et le mal, vers la vie et la mort, vers la survie et le trépas. Ainsi en pleine réflexion sur les péchés des hommes, les tentations, les bienfaits des actions désintéressées, le clergé a une certaine emprise sur les réflexions de la population de l’époque. Ici, au travers de cette iconographie, se réfléchit, se montre, se met en scène, toute la société médiévale de la fin du Moyen-âge. Entre dragon, sauterelles de l’Apocalypse, Anges, épées, feu et autres sortilèges, la lecture ne cesse de s’alimenter des plus mythiques contes médiévaux de l’époque. A cette même époque, on peint dans les églises et autres chapelles le fameux « dict des trois morts et des trois vifs », véritable réflexion visuelle sur la lutte manichéenne entre le Bien et le Mal, où trois squelettes font la morale sur trois jeunes aristocrates et leurs futilités de chasse et de loisirs. Sauver son âme, bien se comporter, dans les règles et les codes de cette société moyenâgeuse, tel est le principe même de cette tenture. Entre combat d’un dragon à 7 têtes, sauterelles mi-femme mi-cheval dotées d’une queue de scorpion, entre destruction des végétaux et l’apparition des cavaliers de l’apocalypse, le discours, vous l’aurez-compris, est empreint d’épisodes malheureux, destructeurs, mais qui à la fin, ont toujours un dénouement positif.
Symbolique. Cette tenture est mille fois symbolique. Entre faits politiques, guerre et religieux, des objets cachent et illustrent des faits. L’agneau présent sur plusieurs scènes n’est autre que l’agnus dei, autrement dit le Christ magnifié sous la forme d’un agneau pascal. Les cavaliers ne font référence en réalité qu’à l’ennemi anglais de l’époque : le prince noir, Edouard de Woodstock, fils d’Edouard III roi d’Angleterre. Dissimilée tout le long de la lecture des 6 pièces représentant les 70 tableaux de tissus, la gestuelle est fort intéressante. Tantôt en sanglots, tantôt en affrontement, tantôt en discussion, tantôt en persuasion, les gestes sont à lire en parallèle de l’iconographie.
Historiquement parlant. Après la Révolution française, cette tenture de l’Apocalypse, comparable aux tentures de la Dame à la Licorne par exemple, a été sauvée par l’évêque d’Angers qui la racheta pour la modique somme de 300 francs. Il entreprit même de la restaurer après cette acquisition. Dorénavant, elle est présente au plein cœur du château d’Angers où les visiteurs s’empressent aux portes de l’édifice pour comprendre et contempler cette merveille médiévale.
Johnatan Savarit
+ d’infos : http://angers.monuments-nationaux.fr/
C’est superbe, j’ai adoré!!