Maison-Dieu / 86 / Montmorillon

Hors les murs de la ville médiévale – concentré le long de la Gartempe dans le creux de la vallée – l’établissement hospitalier et religieux la Maison-Dieu s’est érigé en surplomb de ce bourg moyenâgeux. Ensemble composite de plusieurs édifices ; dont le chauffoir, la chapelle Saint-Laurent-Saint-Vincent, les bâtiments conventuels des religieux et l’Octogone – fameuse double chapelle funéraire – la Maison-Dieu a été marqué par plus de 10 siècles d’histoire, de réformes, de bouleversements et de changements. Accueillants les pauvres, les malades et les nécessiteux comme les veuves, les mendiants et les lépreux ; l’hôpital de la Maison-Dieu – qui a totalement disparu aujourd’hui – était chauffé grâce à un « chauffoir » : petit édifice où la chaleur du feu était projeté à travers une galerie communicante avec l’hôpital (voir photo). La chapelle Saint-Laurent servait aux offices classiques (sexte, none, tierce, …), alors que l’octogone, implanté bien au sud, servait aux rituels funéraires avec son ossuaire et son cimetière juste à côté.

Chapelle Saint-Laurent et sa tour de fortifications sur la droite

Quant à la chapelle Saint-Laurent, c’est un p’tit bijou. Il faut bien le dire. D’extérieur ordinaire, sans prétention, quoique. En réalité, juché au sommet de la façade occidentale, une frise en calcaire d’Île de France sculptée trône. Racontant la vie de Jésus entre l’Annonciation et la fuite en Egypte, elle est remarquable de par sa finesse et sa datation du XIIe siècle. Véritable trésor quasi-unique en France, elle permet d’appréhender la nativité, l’annonciation aux bergers et la présentation au temple, quelques épisodes phares des premiers temps de la vie du Christ. Quant à l’intérieur. N’hésitez pas à pousser la lourde porte en bois. Après un grincement, et une pénombre qui ne permet pas de voir immédiatement les murs ; après quelques secondes d’acclimatation, les découvertes sont stupéfiantes. Ici, tous les murs, embrasements de baies, arcades, voûtes, corniches, … sont totalement peintes de peintures murales datant du XIXe siècle. Réalisme, grandiloquent, ici les personnages semblent disproportionnés par rapport au visiteur planté quelques mètres plus bas sur le sol de l’église. Le chœur présente un programme autour de Jésus bénissant et de ses apôtres. Les peintures des saints auxquels l’église a été dédiée nous présentent deux martyrs importants des écritures bibliques : celui de Saint-Laurent avec le gril et celui de Saint-Vincent avec l’écartèlement et la noyade.

Insoupçonnables. Ici deux choses incroyables attirent notre attention. A la croisée du transept, une coupole totalement peinte de curieux personnages – voir photo – des hommes, non ! Des saints, non ! Des Anges. C’est ça ce sont des anges. Curieux ! En réalité, tous ces anges représentent les différents grades hiérarchiques des anges. A l’instar du commandement militaire où les grades de sergent, caporal, capitaine, … sont décernés, ici les anges peuvent passer des 9 grades. Ainsi, et dans l’ordre du « moins » important au plus édifiant, anges, archanges, principautés, puissances, vertus, dominations, trônes, chérubins, séraphins. Tout simplement magique et mystique à la fois.

La coupole peinte à la croisée du transept : le choeur angélique

Une autre chose est scandaleusement étonnante dans cette chapelle de province. Dans le bras sud du transept une représentation de Joseph inhabituel. Il est assis dans un trône, une cour de clercs et de notables lui prêtent allégeance et un collège d’anges se trouvent derrière lui. Tel un puissant monarque, il apparaît comme le maître des lieux. Souvent effacé, en arrière plan des scènes bibliques, il se retrouve en premier plan, le personnage principal d’une histoire souvent oubliée.

Bras sud du transept : Joseph trônant

Actualité. Révolté. Révolté contre les dégâts qui ont été commis il y a quelques jours dans les bâtiments conventuels de cette Maison-Dieu. Il faut comprendre que la chapelle Saint-Laurent se trouve en plein cœur de cet ensemble de bâtiments d’une superficie extraordinaire. Les anciens logis des religieux ont été saccagés gratuitement. A l’intérieur – et pour l’avoir vu de mes propres yeux – escaliers gigantesques en pierres sculptées, cheminées, parquets d’époque (XIXe siècle certainement), caves voutées… restaient de beaux matériaux. L’hôpital, propriétaire des lieux, doit s’en mordre les doigts. Depuis le déménagement de la maison de retraite (2009) qui avait pris place dans ces bâtiments, la Maison-Dieu est restée vide. Inanimée, inerte, dans son jus, les magnifiques bâtiments et le parc sont restés trop longtemps sans surveillance. En attendant l’acheteur qui devra débourser plus de 3 millions € pour l’achat et certainement autant pour la réfection, des mesures sont en courts (d’après http://poitou-charentes.france3.fr/2014/01/09/montmorillon-86-la-maison-dieu-saccagee-de-fond-en-comble-391463.html).

En attendant, le patrimoine est là. Il reste stupéfiant de par ses surprises. La chapelle Saint-Laurent et la visite de l’Octogone à 100 mètres de là (faisant partie de la Maison-Dieu) restent incontournables pour ceux et celles qui voyagent dans la région Poitou-Charentes.

+ d’infos sur l’octogone : en attente d’un article. Sinon contactez l’Office de Tourisme de Montmorillon

Johnatan Savarit.

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