Esprit es-tu là ? Le Musée Maillol nous ensorcelle et nous enchante.

En arrivant devant le musée Maillol, au numéro 61 de la rue de Grenelle dans le 7e, nous nous sommes arrêtés un instant, un court instant, devant l’affiche de promotion de l’exposition. Une sensation envahissante, apaisante, nous appelait à entrer dans le bâtiment.

Exposition ouverte depuis le 10 juin (ouverture retardée par l’épidémie) et visible jusqu’au 1er novembre 2020 (prolongée).

A l’intérieur, à la lumière filtrée par les baies vitrées, nous sommes invités à emprunter l’escalier pour débuter la visite. Un escalier pour s’élever, comme pour aller à la rencontre des esprits, des voix, du surnaturel. Une élévation physique mais nous préparant à oublier notre esprit cartésien pour aller, avec tâtonnement, effleurer, approcher, ressentir autre chose, une chose impalpable comme une illusion. L’idée même d’une force psychique qui puisse venir nous troubler. En oubliant nos repères, devant nous, un espace aménagé dans un style bien à part, nous plongeant directement dans l’univers des artistes magistralement exposés ici. Se déroule, là, une sorte de cité fantôme dans laquelle se trouvent des tableaux comme des multiples miroirs, comme des mirages fascinants, trônant en suspension le long des murs blancs du bâtiment. Esprit es-tu là ? … nous nous y étions !

Ils avaient comme prénoms Augustin, Victor et Fleury-Joseph. D’origine ouvrière, travaillant comme cafetier, plombier ou encore mineur, ces hommes de l’ombre,  n’ayant aucun attrait pour l’art, vont faire une rencontre qui va chambouler leur vie. Une rencontre avec un invisible, un impalpable, un esprit qui va tout d’un coup prendre contact avec chacun d’entre eux. Allant alors jusqu’à leur intimer l’ordre de peindre. Ne cherchant pas le message et l’explication à ce fait surnaturel, ils obéissent. De leurs doigts vont naître des œuvres d’une incroyable composition, à la géométrie quasi parfaite, des chefs-d’œuvre qui vont jusqu’à irradier, aux couleurs pops et aux détails extrêmes. L’œuvre d’illuminés ? Peut-être … ou peut-être pas. Ils vont alors mixer les références cultuels et culturelles, en allant chercher des influences hindouistes, chrétiennes, musulmanes, moyen-orientales voire même égyptienne.

Comment alors penser un instant qu’une voix venue de l’au-delà puisse interférer autant dans la vie de personnes qui n’avaient alors aucune notion d’arts plastiques ? Cette rencontre surnaturelle les transformant ainsi en artistes accomplis… Bon il faut dire aussi que nos trois loustics ne sont pas complètement étrangers à cette sphère. Ils étaient tous guérisseurs ou radiesthésistes sur les bords. Cela peut aider à capter les ondes de l’au-delà.  

Oeuvres d’Augustin Lesage

Longtemps, les sciences occultes ont intrigué et pas que des inconnus. Le spiritisme est un mouvement apparu au milieu du XIXe siècle aux Etats-Unis et s’est développé dans le monde. Marie Curie, Balzac, Freud, Victor Hugo, André Breton … tous se sont intéressés aux esprits et au surnaturel. Ce phénomène a été entretenu par les différentes guerres du XXe siècle et le souci des morts et de leurs devenirs. Le tout cultivé par les intellectuels du moment. Il y a bien quelque chose mais quelle est cette chose ? D’entrée de jeu, entre planche de wija et autre pendules, nous sommes happés dans un univers particulier. Cartésiens s’abstenir, il faut s’ouvrir vers un autre monde.  « Il te faut peindre ».

Oeuvres de Victor Simon

Augustin Lesage se disait de lui-même : « je ne sais bien que je ne puis peindre si je ne mets pas sous l’influence des esprits ». Mineur de 36 ans, il est interpellé dans les années 1910 et commence sa première œuvre dès 1912-1913. Entre dessin et peinture, les lignes de fuite semblent partir au lointain comme des galeries de mineurs, le tout dicté par des esprits. Victor Simon, lui peignait la nuit après sa dure journée de labeur au fond des mines. Il prendra son premier pinceau dans les années 1930 et nommera sa première toile Résurrection. Un nom évocateur. Quant Fleury-Joseph Crépin, il réceptionnera un message bien curieux, tout droit sortir d’un rêve prémonitoire. « Tu devras peindre 300 tableaux, et au 300e la guerre sera finie. Puis tu t’attèleras à réaliser 45 toiles pacificatrices ». Tenez-vous bien, il termine la 300e toile le 7 mai 1945, soit la veille de la capitulation de l’Allemagne nazie. Vous y croyez ? Quoiqu’il en soit, les toiles se révèlent posséder des effets de profondeur, mettant en avant un travail incroyable et une beauté fabuleuse avec une minutie calibrée au millimètre près. Une monumentalité qui est extrêmement étonnante et détonante.  

Oeuvres de Fleury-Joseph Crépin

Le fameux 300e tableau que Fleury-Joseph Crépin terminera la veille de la capitulation de l’Allemagne, le 7 mai 1945.

Tels des ambassadeurs de la paix sur terre, où d’ailleurs certaines toiles sont chargées d’un pouvoir protecteur, cette exposition au Musée Maillol nous offre une connexion psychique où surnaturel et réalité se mêlent pour créer des œuvres tout droit sorties de nul part. Esprit es-tu là ? Nous nous y étions … embarqués dans ce voyage singulier. Un art brut, un art inspiré et guidé par les esprits. Une demande étrange sans pour autant jamais chercher à comprendre le message. Plus qu’une exposition, une expérience de vie.

Victor Simon – La toile bleue – 1943-1944 – huile sur toile – Musée des Beaux-Arts d’Arras

Lien vers le musée Maillol : https://www.museemaillol.com/

L’exposition est visible depuis le 10 juin et est prolongée jusqu’au 1er novembre 2020.

Johnatan Savarit

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