Le vitrail comme passeur de lumière à Fontevraud

Comme une véritable ode aux couleurs et à la lumière, nous vous invitons à découvrir l’univers d’un art ancestral et fondamental qu’est le vitrail. Au travers d’un parcours de création contemporaine, (re)découvrez la technique, les fonctions et l’esprit créatif des verrières parfois colorés, parfois en grisailles, parfois figuratives, parfois abstraites. Certains vitraux exposés dans le Noviciat de l’Abbaye royale de Fontevraud en mettent plein la vue. Ne tardez plus, vous avez jusqu’au 1er novembre 2020.

Gérard Collin-Thiebaut – Le Futur – 2015 – cathédrale Saint-Gatien de Tours

Aux origines du vitrail.L’essor du vitrail date des périodes romane et gothique. Il perdure jusqu’au XVIe siècle mais subit un fort déclin aux XVIIe et XVIIIe siècles. La reprise du vitrail s’opère au XIXe siècle avec l’avènement des Monuments Historiques et la restauration de vitraux anciens dans des édifices. Cela continue au XXe siècle du fait des deux guerres mondiales qui ont détruits des vitraux qu’il fallait remplacer. Parmi les vitraux contemporains, on peut citer : Alfred Manessier et François Lorin, Henri Matisse à Vence, Jean-Pierre Raymond à Noirlac, Pierre Soulages à Sainte-Foy de Conques ou encore David Rabinowitch à Digne. L’exposition « Les Vitraux d’artistes » présente les multiples approches de ces artistes aux sensibilités différentes.

Mais au fait à quoi ça sert un vitrail ? L’usage d’un vitrail sert principalement à trois choses. L’une d’entre-elles est purement pratico-pratique : le vitrail obstruant les ouvertures, ce sont nos fenêtres actuelles ; le vitrail laissant alors la lumière passer tout en isolant des intempéries. La deuxième fonction du vitrail réside dans son caractère spirituel et religieux. Symboliquement en laissant la lumière pénétrer dans l’édifice, le vitrail se révèle être le passage de la lumière divine. La dernière fonction du vitrail reste éducative, au même titre que les peintures. On adore, et on s’accorde à dire, que les vitraux servent alors d’enseignement des Saintes Ecritures. Véritable débat toujours aujourd’hui sur ce que les fidèles pouvaient comprendre du répertoire iconographique du Moyen-Âge. (peintures, vitraux, enluminures, sculptures…).

Jean-Michel Alberola – Couronnement de la Vierge, détail profil du Christ – 2000-2006 – cathédrale Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte de Nevers

Le verre est fait de la silice expulsée par les étoiles, le plomb a été forgé dans les creusets stellaires.

Le verre, le plomb et la lumière forment une alchimie venue du ciel.

Cité internationale du vitrail à Chartres

Et à quelle période le vitrail est apparu ? Retour historique sur le vitrail : le verre blanc est connu depuis fort longtemps. Les égyptiens et les romains à l’époque antique s’en servaient pour calfeutrer leurs fenêtres et décorer leurs bains publics ou thermes. Au Moyen-Âge, le vitrail prend un essor particulier. Notamment au XIIe siècle, la technique d’assemblage au plomb est adoptée partout en Europe. Un siècle plus tard, l’on peut voir les grandes rosaces éclairées les cathédrales. La lumière se fait par les baies et les vitraux. Entre le XIVe siècle et la Renaissance, l’on incruste dans le verre du « jaune d’argent » et des émaux, permettant alors de colorer le verre en profondeur. Plus proche de nous, au XIXe siècle, c’est la technique dite « Tiffany » qui opère un véritable changement dans les arts décoratifs. Ainsi, le vitrail s’invite aussi dans les habitations privées pour donner des reflets surprenants. De nos jours, la création contemporaine se charge de restaurer certains édifices religieux ayant perdu leur programme de vitraux.

Ci dessus, de haut en bas et de droite à gauche :

  • Gabriel Loire – Tête de Christ – 1962 – dalle de verre et ciment
  • Jacques Villon – La Vierge et l’enfant – 1956 – cathédrale de Metz
  • Alfred Manessier – L’annonce de la Pentecôte – 1982 – église du Saint-Sépulcre à Abbeville
  • Gérard Garouste – Le couronnement de la Vierge – 1994 – église Notre-Dame de Talant
  • Cartons de vitraux (modèles)

Et de nos jours ? Aujourd’hui, la création artistique contemporaine permet d’allier édifice religieux/tradition avec nouvelles techniques/innovation/création ; le tout en respectant tous les préceptes de ce que doit être un vitrail aux yeux des institutions religieuses commandant certaines verrières pour remplacer les anciennes dans leurs églises. Des artistes, comme Jean-Pierre Raynaud, ou encore Aurélie Nemours, s’amusent avec le réseau de plomb, ne le considérant plus comme un obstacle ou un simple support. Les barlotières – ces lignes noirs de plomb au milieu des couleurs – s’expriment, jouent et font partie intégrante du processus de création des artistes. Aujourd’hui, il est possible de créer des verres opaques, translucides, transparents, en grisailles, en couleurs, en nuances, en incluant des émaux, des photographies et des effets. Figuratifs ou abstraits, personnages, formes et couleurs se côtoient pour animer nos édifices le plus souvent religieux mais également civils et privés.

Pour moi, un vitrail est une partition transparente entre mon coeur et le coeur du monde.

Marc Chagall
Fragment de verre coloré pour vitraux

Du sens pour l’abbaye ? Le programme iconographique de Fontevraud était d’une grande richesse. Bien loin des préceptes de Robert d’Arbrissel où le raffinement était bien loin de ses préoccupations, les différentes abbesses ou propriétaires de l’abbaye ont laissé leurs marques. Des vitraux ont çà-et-là vus le jour, que ce soit dans l’abbatiale, dans la salle du chapitre ou encore ornant les galeries du cloître. Au cours de fouilles archéologiques menées dans les années 1980, une soixantaine de fragments de vitraux ont été découverts. Ornés de décors fleuris et géométriques, les plus anciens datent de la fin du XIIe et du XIIIe siècles. Selon les archives, nous savons aussi qu’entre 1575 et 1590, l’abbesse Eléonore de Bourbon, tante d’Henri IV, dote le grand cloître du Grand-Moutiers de vitraux figurant des crosses, des fleurs de lys d’or, des motifs fleuris, végétaux et géométriques. Cette nouvelle installation permettait alors aux religieuses de pouvoir circuler dans le cloître en étant à l’abri des intempéries. Au XIXe siècle, les abbesses, religieuses et religieux de Fontevraud laissent place au monde carcéral. Ainsi, entre 1858 et 1870, le directeur de cette maison d’arrêt, Joseph Chritaud, entreprend des travaux. Ayant pris conscience de la valeur des bâtiments, ils commandent sculptures et vitraux. Ces derniers réalisés par les ateliers Lobin de Tours en 1868 servaient à fermer la salle du chapitre afin de protéger les peintures Renaissance ornant les murs. Dans l’église abbatiale, les vitraux ornant chaque baie de la nef datent de la grande campagne de restauration organisée par Lucien Magne entre 1903 et 1914. La grande verrière de la nef, côté portail, représentant un Christ en majesté encadré par les quatre Evangélistes, date de 1911. Pour le reste de l’église, l’on trouve des blasons de différentes grandes familles ayant un lien direct avec l’abbaye royale de Fontevraud, telles que les armoiries de Richard Coeur de Lion pour n’en donner qu’un exemple.

Ci-dessus : à gauche la verrière du Christ en majesté – portail nef de l’abbatiale / à droite, l’un des vitraux ornant la nef de l’abbatiale – blason de la famille des Plantagenêts. Créations 1903-1914

De quoi légitimer une exposition sur les vitraux …. De ce constat, est née ainsi l’exposition sur « Les Vitraux d’artistes« , présentée principalement dans le Noviciat de l’abbaye jusqu’au 1er novembre 2020. Ici, les créations contemporaines nous emportent dans un univers verrier réinventé au vu des nouvelles techniques des dernières décennies. A chacun son vitrail, à chacun ses affinités avec le monde de la lumière. Etudes, cartons, essais, vitraux … un voyage dans un paysage culturel dont le savoir-faire reste un art primordial, une vraie confrontation entre le passé et la création contemporaine.

Ci dessus, de haut en bas et de droite à gauche :

  • Jean-Michel Othonel – Sans Titre – 2014 – cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême (détail)
  • Robert Morris – Sans Titre – 2012 – cathédrale Saint-Pierre de Maguelone
  • Aurélie Nemours
  • Jean-Michel Othonel – Sans Titre – 2014 – cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême
  • Jean-Pierre Raynaud – Sans Titre – 1976 – abbaye de Noirlac
  • Jean-Michel Alberola – La création du monde – 2000-2006 – cathédrale de Nevers

Une vraie partition de lumière à découvrir afin d’appréhender l’art du vitrail, essentiel dans les restaurations des édifices ayant perdu leurs vitraux d’origine ou souhaitant leur renouvellement.

Johnatan Savarit

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