Aliénor, reine d’Angleterre 

Aliénor, envoûtante et conquérante – Partie II/II

Aliénor, reine d’Angleterre 

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Vitrail du chevet plat de la cathédrale de Poitiers – Aliénor et Henri offrant un vitrail à la cathédrale

La rencontre avec Henri II

Le 5 mars 1133 naît Henri II, futur Henri II Plantagenêt, au Mans. Il est baptisé à la cathédrale Saint-Julien du Mans, où repose d’ailleurs son père, Geoffroy le Bel.

Le 18 mai 1152, soit deux mois après son divorce avec Louis VII, Aliénor se remarie en seconde noce avec Henri II, futur Henri II Plantagenêt, qui est à l’époque de leur union Comte d’Anjou, du Maine et de Touraine, ainsi que Duc de Normandie et futur héritier de la couronne d’Angleterre. Leur mariage a été caché de Louis VII, l’ex l’Aliénor, pour une raison purement politique. En effet, par leurs territoires sur le continent français, les deux protagonistes auraient dû demander l’autorisation de se marier à Louis. Bien évidemment, comme ils savaient qu’il n’allait pas être d’accord, ils se marier sans l’en avertir. A eux deux, ils unissent une mégastructure, une immense territoire allant des côtes de la Manche aux confins des Pyrénées. Une vraie catastrophe pour Louis, qui lui, reste cantonné au Grand Bassin Parisien.

Henri avait tout pour plaire à Aliénor. Robuste, l’image même d’un chevalier, il possédait les cheveux roux et avait les yeux gris. Culturellement, mentalement, physiquement et sexuellement, ils étaient sur la même longueur d’onde, ce qui changea véritablement vis-à-vis du premier mariage avec Louis VII. Henri et Aliénor s’aimaient fougueusement. Une vraie passion naît. De leur union vont naître 8 enfants en l’espace de 13 ans, dont 3 filles et 5 fils, dont 5 futurs héritiers à leurs territoires.

Il existe un portrait de famille des Plantagenêt – incomplet malheureusement – qui se trouve peint sur les murs de la petite chapelle Sainte-Radegonde de Chinon. Certains y voient Henri et ses fils Henri le jeune couronné, Richard Ier, Geoffroy et Jean Sans Terre à l’extrémité gauche ; d’autres y voient Henri, Aliénor le suivant et leurs enfants.

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Famille Plantagenêt – peinture murale ornant la chapelle Sainte-Radegonde de Chinon

La naissance d’un immense empire :

Dans ce contexte, de l’autre côté de la Manche, c’est une véritable guerre civile qui sévit pour la succession au trône d’Angleterre. Deux camps s’affrontent : celui de Mathilde l’emperesse d’un côté et celui d’Etienne de Blois, cousin, de l’autre. Mathilde, mère d’Henri II, était la fille d’Henri Ier, roi d’Angleterre. Le fils aîné d’Henri – Guillaume Adelin meurt en 1120, noyé, du fait du nauvrage de son bateau surnommé « la Blanche Nef ». Le roi nomme Mathilde comme héritière au trône. A la mort du roi, une guerre civile appelée « l’anarchie » commence. Le cousin de Mathilde, Etienne de Blois se dépêche de traverser la Manche pour s’emparer de la couronne.

Après plusieurs années de guérilla, Etienne de Blois reçoit Henri II en Angleterre pour des pourparlers. Etienne nomme Henri II futur héritier de la couronne d’Angleterre. Il rêve de ce trône depuis tout petit car c’est le combat de sa mère. Il sera bel et bien couronné roi d’Angleterre à l’abbaye de Westminster en 1154. Par la même, Aliénor devient reine d’Angleterre. Devant l’autel, ils reçoivent tous les deux les regalia : anneau, couronne, manteau de couronnement, sceptre et bâton de justice ; les mêmes qu’Elisabeth II a reçu lors de son couronnement. Lors de la célébration, Henri se tenait à droite du choeur et Aliénor à gauche du choeur.

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Abbaye de Westminster – Londres

Jamais en Europe la puissance des Plantagenêt sera égalée. Un duel va alors commencer entre les Capétiens d’un côté – Louis VII – et les Plantagenêts de l’autre – Henri II. Pour comparaison, les villes de Paris et de Londres ne connaissent pas la même urbanisation. Paris compte au milieu XIIe siècle seulement 3 000 habitants, contre 15 000 pour Londres. La capitale anglaise se révèle être une ville grouillante, puante et très commerçante. Aliénor va déchanter en découvrant cette ville sous la brume, c’est assez lugubre. Pour redonner des couleurs à la cour anglaise, Aliénor va importer tout ce qu’elle connaît : troubadours, ménestrels, jongleurs, cracheurs de feu, montreurs d’ours, poésie, amour courtois, vin, joie de vivre et architecture. Elle va recréer l’ambiance bordelaise qu’elle aime tant, et elle va mener grand train à la cour. Selon les comptes de l’époque, Aliénor dépense par an plusieurs centaines de livres rien que pour des denrées alimentaires chers et des raffinements : épices et soie par exemple. Pour comparaison 1 livre au milieu du XIIe siècle correspond à environ 1250€ d’aujourd’hui.

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L’importation du vin bordelais, l’impulsion de la reconnaissance de ce terroir dans le monde. On boit du clairet (du vin clair) au XIIe siècle, sorte de vin vinifié à 7° maximum, très acide. Aujourd’hui, on parlerait de piquette, alors qu’à l’époque c‘est un vrai luxe et un signe de raffinement que de consommer du clairet. Ce vin est caractéristique par l’apport de fruits rouge comme les les groseilles. Le clairet devient la boisson nationale et est même salutaire. Tous les ans, Aliénor importe près de 840 000 hectolitres de clairet.

c- Revue des vin de France

Henri II se révèle être un roi conquérant. Il part à l’assaut de territoire afin d’agrandir son empire. Le Pays de Galles, la Bretagne et l’Irlande vont tomber sous son joug. Il tentera même une mainmise sur l’Ecosse. Pour asseoir son autorité et mater les rébellions des barons anglais, il introduit la légende du roi Arthur, légende à laquelle il s’associe. C’est une époque où on lire énormément la légende de ce roi du VIe siècle de notre, qui a vécu, mais son image a été glorifiée. D’où la difficulté aujourd’hui de faire la part des choses entre légende et histoire concernant le roi Arthur. On sait que dans le château de Winchester, une grande table ronde, qui avait été commandée par Edouard Ier, est actuellement accrochée au mur dans la grande salle d’apparat. L’appropriation de la légende du roi Arthur se retourne contre Henri II. En réalité, d’après les récits, Arthur ne serait pas mort, et il devrait revenir pour récupérer son trône. Henri II, pour ne pas perdre son autorité, devait à tout prix trouver la preuve de la mort de ce roi légendaire. Il fait retrouver le tombeau d’Arthur à Glastonbury. Il découvre une sépulture. En ouvrant, sur les restes d’un chevalier était posée une plaque en plomb en forme de croix. Dessus était gravée le message suivant : « ci-gît, le roi Arthur ». La preuve est trouvée que le roi Arthur ne reviendrait pas.

Du plus grand soutien d’Henri II à la captivité d’Aliénor :

Pour le soutenir dans son entreprise d’unifier son territoire et d’asseoir son autorité, Henri II peut compter sur un religieux de grand nom : Thomas Beckett. C’est un des principaux ministres du roi. En remerciant de son indéfectifle amitié, Henri II le nomm archevêque de Cantorbéry, ce qui fera de lui le premier représentant de Dieu en Angleterre. Une place éminemment prestigieuse. Dès lors Thomas tourne le dos à Henri, préférant servir Dieu que la Royauté, le spirituel au temporel. Pendant 6 ans, ils vont être en froid, et Henri supportant difficilement que son pouvoir connaisse un garde-fou. Lors d’un banquet, excédé, il aurait dit les mots suivants : « n’y aura-t-il personne pour me débarrasser de lui ? ». Plusieurs chevaliers ont pris ces mots comme un véritable ordre. Le 29 décembre 1170, 6 chevaliers arrivent à Cantorbéry, pénètrent dans la cathédrale et sortent leurs lames pour tuer Thomas. Ce dernier s’effondre et se vide se son sang à quelques mètres du maître-autel. Cet épisode est une véritable catastrophe pour Henri, qui est tout de suite montrer du doigt comme étant l’instigateur de cet assassinat. Pour absoudre cette faute, il fait pénitence publiquement, où il sera flageolé pendant des heures par différents évêques.

Cet épisode sonne également un coup de frein dans la relation avec Aliénor. Elle ne reconnaît plus son mari et les disputes sont monnaie courante. D’autant plus, qu’Aliénor commençant à se faner, Henri passe du temps avec une autre jeune femme : Rosemonde de Clifford, elle qui possède une beauté extraordinaire. Aliénor, piquée au vif, traverse la Manche et regagne la France et son duché d’Aquitaine, où elle va nourrir une certaine vengeance. Depuis Chinon, elle orchestre une rébellion dite « la révolte des aiglons », où elle demande à trois de ses fils de se liguer contre leur père. Henri, despotique, ne leur donnait aucun pouvoir et aucun territoire. Arrivés presque à l’âge adulte, Henri le Jeune, Richard Ier et Geoffroy VI réclamaient chacun un morceau de l’héritage d’Henri. La rébellion ne fonctionne pas, Henri matte ses fils. Il leur accorde son pardon. Par contre, la grande victime de ce coup d’Etat raté reste Aliénor. Pour punir son épouse, il l’enferme 6 mois à Chinon avant de l’envoyer au donjon de Salisbury, en Angleterre pendant 9 ans. Durant sa captivité, Aliénor sera réduite au silence. Elle ne recevra aucune visite et son confort sera inexistant : pas de divertissement. A la mort de son fils Henri le jeune, Aliénor est autorisée par Henri II à quitter Salisbury pour quelques semaines. Elle rentre en France et loge à Chinon. Puis Henri, voyant la situation préoccupante, où des barons aquitains pourraient avoir l’idée de venir la délivrer à Chinon, la renvoit à Salisbury jusqu’en 1189, date à laquelle Henri II trouvera la mort complètement délaissé de sa famille.

L’heure de la renaissance pour Aliénor :

Aliénor est délivrée. Elle est plus forte que jamais. Richard Ier monte sur le trône d’Angleterre en 1189, suite à la mort de son père. Il prendra, dans les livres d’histoire, le surnom de Richard Coeur de Lion. Physiquement, il ressemble à son père : il possède une chevelure rousse flamboyante. Il a hérité de la finesse de sa mère et de la brutalité chevaleresque de son père.

Dès son accession au trône, le temps presse. Les turcs ont repris Jérusalem et les troupes de Saladin menacent d’autres villes de Terre-Sainte. L’appel à la troisième croisade sonne. Richard se prépare et forme une alliance avec l’empereur du Saint-Empire romain-germanique Frédéric Barberousse ainsi qu’avec le roi de France Philippe II Auguste (fils de Louis VII). Aliénor est nommée régente du royaume en l’absence de son fils. Pour asseoir l’autorité de son fils préféré, elle part à la recherche de sa future épouse. Elle traverse les Pyrénées pour regagner la Navarre pour aller chercher Bérengère. Le mariage entre les deux s’effectue en Sicile sur le trajet de la croisade. Militairement, Richard et son alliance arrive à reprendre la ville d’Acre – aujourd’hui Saint- Jean d’Acre – mais se cassent le nez sur les remparts de Jérusalem. Un compromis est passé entre Richard et Saladin. Ce dernier garde officiellement la ville sainte, mais autorise un accès aux chrétiens pour leur pèlerinage.

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Bérengère de Navarre          c- Alyimage

A son retour de croisade, Richard se fait capturer par le duc Léopold d’Autriche. Ce n’est pas un hasard cette capture. Lors de la reprise d’Acre, le duc Léopold avait planter son drapeau au sommet d’une tour. Drapeau qui avait été très vite retiré et jeté par Richard Coeur de Lion pour le remplacer par le sien. Cet affront est resté dans la tête du duc. La capture du roi d’Angleterre sonne la revanche du duc. Ce dernier autorise sa liberté contre une forte rançon qui équivaut à deux ans de trésorerie royale, soit 34 000 kilos d’argent pur. Aliénor rassemble elle-même l’argent et va livrer personnellement la rançon. Elle a à ce moment-là 75 ans. Elle signe les papiers de la libération de Richard par cette fameuse phrase : « Aliénor, reine d’Angleterre par la colère de Dieu ». Richard rentre à Londres en 1194.

Pendant son absence en croisade, des barons français se sont rebellés. Il part en France sur ces territoires pour mater les rebelles. Il fait aussi construire de nouvelles fortifications afin de s’assurer la protection de certaines provinces. Ce fut le cas de la célèbre construction de Château-Gaillard pour verrouiller l’accès des troupes françaises à la Normandie. Le chantier dure un an et demande la présence de 6 000 ouvriers. Richard s’extasie devant son château en prononçant les mots suivants : « qu’elle est belle ma fille d’un an, c’est un château gaillard ».

Durant toute sa vie, Richard sera en bataille. Il finira même par mourir au pied de la forteresse de Chalus où le seigneur s’était opposé au roi d’Angleterre. Cette petite place-forte composée de seulement 38 fantassins et de 2 chevaliers contiendra le siège. Un arbalétrier – Pierre Basile – décocha un carreau qui va alors se ficher dans l’épaule gauche de Richard. Le roi, après 9 jours d’agonie et de soins apportés par un barbier – il n’y avait pas de médecin chef sur le champ de bataille – mourra. Nous sommes en 1199.

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c- Tourisme Haute-Vienne

Aliénor qui était en retraite à Fontevraud, appris la nouvelle. Elle courut aussitôt auprès de son fils pour le voir une dernière fois avant qu’il ne rende son dernier souffle.

Le roi est mort, vive le roi :

A la mort de Richard, c’est Jean Sans Terre, dernier fils d’Aliénor et d’Henri, qui ceint la couronne d’Angleterre. C’est un roi catastrophique pour l’empire Plantagenêt ; il va être l’artisan de la décomposition du territoire en perdant successivement, au début du XIIIe siècle, la Normandie, le Maine, l’Anjou, la Touraine, l’Aquitaine et l’Auvergne. Restera un tout petit morceau de la Gascogne sur le territoire français.

Aliénor et Blanche de Castille :

Avant de perdre tous ces territoires, et voyant le vent tourné, Aliénor prend une nouvelle décision politique. A l’âge de 80 ans, elle va chercher ses petites filles de l’autre côté des Pyrénées, à Burgos. Arrivée sur place, elle a le choix entre deux petites filles : Ouraca et Bianca. Elle préfère Bianca. La fillette a un joli prénom (Blanche) et a reçu une meilleure éducation culturelle et artistique. Avec Bianca, Aliénor rejoint la cour de France à Paris. Dès lors, elle marie sa petite-fille à l’héritier de la couronne française : le futur Louis VIII, fils de Philippe II Auguste. Bianca, ou Blanche, de Castille, sera la mère de Saint-Louis et une très grande reine. Aliénor, par cette action, remet donc du sang Plantagenêt dans la lignée des Capétiens et la cour de France.

La retraite d’Aliénor :

A l’âge de 81 ans, elle décide de se retirer de la vie politique. Elle passe du temps à l’abbaye de Fontevraud et fait quelques allers-retours à Poitiers pour réglementer quelques affaires. Elle se prépare donc à bien mourir à la fois spirituellement mais également temporellement. A Poitiers, il lui arrive souvent de se recueillir devant les reliques de Sainte-Radegonde, grande reine de France du VIe siècle, avec qui elle a plusieurs similitudes. Comme Aliénor, Radegonde a été reine, captive de son mari et possédait un caractère trempé. Aliénor mourra à Poitiers le 30 mars 1204 et son corps sera rapatrié à l’abbaye royale de Fontevraud aux côtés de son fils Richard Coeur de Lion et de son époux Henri II Plantagenêt.

Aliénor reste la grand-mère des rois et reines d’Angleterre, depuis les Plantagenêts jusqu’aux Windsor aujourd’hui, en passant par les Tudors et les Stuarts. C’est également la grand-mère de toute l’Europe. Tous les grands princes ont du sang d’Aliénor dans les veines.

Le dernier Plantagenêt :

Le dernier Plantagenêt sera Henri III. Lui est enterré dans un cimetière à Leicester et sera inhumé en la cathédrale même de la ville en 2015.

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c- Wikipédia

Johnatan Savarit

N’oubliez pas de regarder l’épisode de Secrets d’histoire concernant Aliénor d’Aquitaine sur Youtube. 

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